L’édition de la pièce est disponible sur demande au Théâtre Les 50.

« Le château est une construction hybride de faux Renaissance et de faux gothique ; vu de loin, il pouvait donner l’illusion de vieilles pierres. De près, le vulgaire crépi gris qui le recouvre le rend affligeant de médiocrité. Nous passons un pont qui mène au château, un premier puis un deuxième avant-corps fermés de lourds portails ferrés. Nous entrons dans la cour. »

Le 2 mai 1943 Léon Jouhaux est interné au château d’Itter en Autriche. Il fait partie des nombreuses personnalités françaises qu’Hitler veut voir loin de France, otages et à sa disposition, si nécessaire.

Léon Jouhaux cohabite avec Édouard Herriot, Paul Reynaud, Édouard Daladier, Jean Borotra, le général Maurice Gamelin, puis Albert Lebrun, André François-Poncet, plus tard avec le général Maxime Weygand, le colonel François de la Rocque, Marcel Granger, Michel Clemenceau, Alfred et Marie-Agnès Cailliau…

Le 19 juin 1943, Augusta Bruchlen, compagne et secrétaire de Léon Jouhaux, est amenée à Itter après avoir obtenu l’accord, sans condition, de le rejoindre.

Que vont-ils devenir ? Quel sera leur destin ? Les Anglo-saxons, ils le prédisent, gagneront la guerre. C’est une question de moyens et donc de temps ; 1945, 1946 ou plus tard encore ? Que se passera-t-il alors, le dernier jour, la dernière heure, au dernier moment du drame ? Sont-ils condamnés ? Ce petit groupe d’hommes et de femmes illustres, aux idées aussi divergentes, vont-ils pouvoir cohabiter ? Durant ces deux années un accord tacite les liera : ne pas montrer leur différends à leurs geôliers. Mais qu’en a-t-il été vraiment dans le secret des murs ? Nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que durant ces longs mois aucuns conflits aucunes tensions n’ont existé à Itter.

Des mots ont été écrits, ceux-là sont connus, chacun s’efforçant de témoigner sur ses carnets de son propre parcours. Des mots ont été dits, ceux que nous ne pouvons pas entendre et qui résonnent peut-être encore. Il m’est apparu que ces mots-là pouvaient nous conter l’histoire de Léon Jouhaux. Aussi nous allons nous approcher de ces lieux où vécurent et se rencontrèrent quatre des prisonniers et otages : Léon Jouhaux, le syndicaliste, secrétaire général de la CGT depuis 1909, Augusta Bruchlen, alsacienne, syndicaliste, sa secrétaire et compagne, Paul Reynaud, gaulliste, avant dernier président du Conseil de la IIIe République, adversaire du Front populaire, et Jean Borotra, tennisman de renom, ancien commissaire général à l’Éducation générale et aux Sports du régime de Vichy.

Léon Jouhaux évoque les combats passés et prépare ceux du futur, seul ou avec Augusta, face à ses adversaires et codétenus.

La vie s’écoule à Itter, avec les séances de deck-tennis, les dîners séparés entre gaullistes et pétainistes, les séances de couture, les souvenirs de jeunesse, les lectures, les carnets de captivité de Reynaud, la bataille de France entre Gamelin et Weygand, les cours d’allemand, les préparatifs et les tentatives d’évasion, l’électricien Zvonimir Cuckovic, les articles de Goebels traduits par Augusta, les angoisses du petit matin, les barbelés, la forêt, Dachau, le capitaine SS Wimmer…

Les internés d’Itter sont libérés de la compagnie SS qui les assiège, le 5 mai 1945, lors de la bataille d’Itter par le capitaine Lee de l’armée américaine et le major Gangl de la Wehrmacht.

Le 8 mai, dans l’après-midi, l’avion personnel du général de Gaulle dépose Léon Jouhaux et certains de ses codétenus à l’aéroport du Bourget près de Paris.

F.D.